La Berra, coupable d’exister… Un courrier des lecteurs paru dans La Liberté.

Courrier des lecteurs de La Liberté, Philippe Chatagny, Corserey, 18.11.2025 >

Contexte

L’Office fédéral des transports refusait récemment l’ouverture anticipée du télémixte de La Berra avant le 1er juillet, maintenant l’interdiction d’exploitation du 1er avril au 30 juin afin de protéger le tétras-lyre en pleine période de reproduction. Les ONG saluent cette décision, issue d’un compromis datant de 2013.

La station, qui espérait ouvrir dès le 1er juin et élargir ses horaires estivaux, obtient toutefois le droit d’exploiter en soirée de juillet à octobre ainsi que d’organiser dix événements spéciaux. L’OFT demande en contrepartie un renforcement des mesures de protection de la faune.

Ouf, le tétras-lyre peut enfin dormir tranquille! Grâce à l’Office fédéral des transports et aux associations écologiques, pas un télésiège ne bougera avant le 1er juillet (LL du 8.11, «Le télémixte n’ouvrira pas en juin»). La montagne est sauvée: jusqu’à cette date, il n’y aura pas de randonneurs, de vététistes ou de bruits dus au télémixte. On protège la faune, paraît-il. Comme si ouvrir le télémixte un mois plus tôt allait provoquer l’extinction de l’espèce.

Pendant ce temps, les F/A-18 rugissent dans les vallées, secouent les forêts et font trembler les toits. Mais visiblement, ça ne dérange personne. Le tétras-lyre s’est habitué aux chasseurs à réaction! Pas aux familles venues respirer un peu d’air frais. On se fait du souci pour les oiseaux, et c’est très bien. Mais qui se soucie de ces familles d’ici, où trois enfants dorment dans la même chambre sans qu’on en parle? Personne ne dit rien.

Dans nos bureaux, il ne reste plus que des experts: spécialistes de tout, sauf de la vie réelle. Les généralistes, ceux du terrain, du bon sens, on les a mis au rebut. L’hiver, on multiplie les «zones de tranquillité». L’été, on ferme «par précaution». Et pendant qu’on restreint le fonctionnement d’un télésiège, on bétonne ailleurs, on surconsomme! Le déclin ne vient pas du manque de règlements, mais du manque d’équilibre.

Quand on s’émeut pour la faune sauvage et qu’on détourne le regard devant la misère domestique, c’est qu’on a perdu la boussole. Protéger la nature, oui. Mais pas en transformant nos montagnes en musées sous cloche. A ce rythme-là, il faudra bientôt remplir un formulaire pour aller pique-niquer au sommet de la Berra!

Philippe Chatagny, Corserey